L’entrée « Langage(s) » recouvre deux grandes acceptions selon qu’on lui attribue ou non un pluriel. « Le » Langage sera considéré comme cette faculté commune à tous les êtres humains (Saussure, 1916), jouant notamment un rôle de substrat pour permettre l’appropriation et les usages linguistiques particuliers, mais aussi les usages de communication verbale ou non (Benveniste, 1966). Sa double articulation comme propriété fondamentale (Martinet, 1960) en fait une spécificité de l’espèce humaine, en l’état actuel de nos connaissances. La première articulation renvoie aux plus petites unités sémantiques (morphèmes ou monèmes), la seconde renvoie aux plus petites unités linguistiques dépourvues de sens que sont les phonèmes. Dans toutes les langues naturelles du monde, les phonèmes, en se regroupant, forment des unités significatives, elles-mêmes formant des signes linguistiques, puis des énoncés et des discours. Faire sens, c’est donc d’abord faire signe : le signifiant devient dans cette conception le moyen pratique d’accéder au réel (Lafont, 1978), au-delà des définitions classiques glossématiques (Hjelmslev, 1968) ou logico-pragmatique (Strawson, 1977). Cette forme d’embrayage généralisé passe par les réalités qui en sont les médiations linguistiques, elles-mêmes de nature à catégoriser le réel sédimenté par les activités et les pratiques humaines. Le langage participe ainsi directement des fondements et de la structuration de la cognition, à l’inclusion de sa dimension distribuée socialement : cela éclaire la relativité linguistique par laquelle les langues et cultures appréhendent le monde (Sapir,1921, Whorf, 1954…).
« Les » langages au pluriel, renvoie aux dénotations courantes ne faisant pas seulement référence à la notion pensée en Sciences du langage. Le « langage du corps » ou le « langage musical » dans le cadre d’une expression esthétique et artistique, les « langages informatiques » dans le sens de codes, constituent également des objets de pensée ouverts sur d’autres disciplines académiques que les Sciences du langage. Ce type de réflexion invite à travailler en interdisciplinarité et à s’interroger sur ces codes non-linguistiques qui permettent aux êtres humains de communiquer et d’interagir, malgré tout, socialement entre eux.
Les Sciences du langage parleront par ailleurs de “pratiques langagières en mathématiques” plutôt que de “langage ou langue mathématiques” pour renvoyer aux discours socialement situés des locuteurs. L’analyse ne pouvant s’effectuer que dans un contexte donné mettant en jeu des interlocuteurs.
Un dernier aspect de l’emploi du terme « langage » se retrouve dans les processus d’enseignement-apprentissage, et plus généralement d’appropriation. Acquisition du langage, développement langagier… Ces expressions courantes, y compris dans le domaine universitaire apparaissent le plus souvent impropres, peut-être en lien avec l’ambiguïté lexicale usitée par la langue anglaise : « language acquisition », où « language » peut renvoyer à la fois au Langage (au singulier, cf. supra) mais aussi à la langue en tant que telle. Or, la plupart du temps, lorsqu’on parle d’acquisition du langage, il est en fait question d’appropriation des langues, c’est-à-dire de comprendre comment un être humain apprend à parler une première ou une autre langue. De la même manière, on parlera de Didactique des langues (et non de Didactique du langage). La véritable « acquisition du langage » consisterait à s’intéresser à l’apparition du Langage comme faculté chez cet étrange animal qu’est l’Humain. Dans ce cas, la réflexion devra être menée avec des philosophes et des paléoanthropologues par exemple.
Cette appréhension du « Langage » est au fondement de la section CNU 7 intitulée Sciences du langage qui visent à décrire et à expliquer le fonctionnement du langage humain dans toutes ses dimensions, sans exclusivité. Les Sciences du langage étudient la description des langues, de leur acquisition, leur évolution, leur rôle social, leurs pathologies et les supports de communication utilisés (voir notion « numérique » par exemple). La dimension linguistique n’est donc qu’un aspect et est incluse dans les Sciences du langage.
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